Génie de Conception

En Vedette Énergie
L’attrait de l’infiniment petit

Des collisionneurs en pleine activité

janvier 14, 2022
par Pierre Deschamps


(Brookhaven National Laboratory/DOE)

Les particules élémentaires, ces infiniment petits dont certains ont pour noms quarks, leptons, muons, bosons et autres qui composent la matière et l’antimatière, fascinent toujours autant. Un intérêt qui ne se dément pas, en dépit du coût pharaonique des installations dont il faut disposer pour les étudier.

Pour preuve de cet engouement qui perdure, l’annonce faite il y a peu par le Département de l’Énergie des États-Unis (connu aussi sous le sigle anglais DOE) : le Brookhaven National Laboratory à Upton, dans l’État de New York, abritera le collisionneur électron-ion [EIC], qui étudiera ce qu’il y a à l’intérieur de deux particules subatomiques : les protons et les neutrons.

« Les électrons entreront en collision avec des protons ou des noyaux atomiques plus gros au collisionneur électron-ion pour produire des instantanés 3D dynamiques des éléments constitutifs de toute la matière visible », a affirmé le département américain de l’Énergie lors de cette annonce.

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Comme l’explique Paul Dabbar, sous-secrétaire aux sciences au Département de l’énergie, « cette machine dévoilera les secrets de la force la plus puissante de la nature. Il s’agit essentiellement d’un microscope électronique qui projette des électrons sur des protons et des neutrons afin de les mesurer ».

Soulignons que cette nouvelle installation de physique nucléaire prévue par le DOE réutilisera les composants clés du RHIC installé sur le site même d’Upton, un collisionneur de particules de 3,86 km de circonférence qui fournit régulièrement des données sur les collisions de particules aux physiciens nucléaires du monde entier.

« Notre objectif est essentiellement de faire de la physique EIC avec des collisions proton-proton », a déclaré Elke-Caroline Aschenauer, physicienne du Brookhaven National Laboratory, membre de la collaboration STAR (72 institutions de 15 pays, quelque 700 collaborateurs) qui est également impliquée dans la planification des expériences et du programme scientifique de l’EIC.

« Il est important de faire les deux [mesures au RHIC et à l’EIC] parce que vous devez vérifier que ce que vous mesurez dans les collisions électron-proton à l’EIC et dans les événements proton-proton au RHIC est universel, ce qui signifie que cela ne dépend pas de qui sonde ce que vous utilisez pour mesurer ces phénomènes », explique-t-elle.

Récemment sur le site du CERN, en Suisse, le Large Hadron Collider (LHC) ou Grand Collisionneur de hadrons, le plus grand et le plus puissant accélérateur de particules au monde avec son anneau de 27 km de circonférence, les scientifiques ont mis en évidence un hadron totalement unique.

Comme l’explique Pascal Gavillet, journaliste à la Tribune de Genève : « Il s’agit d’un tétraquark composé de deux antiquarks légers et d’une paire de quarks charmés, soit l’une des six saveurs de quarks connues. En physique des particules, on nomme en effet saveurs les différentes formes de quarks. »

Pour leur part, des chercheurs de la collaboration ALPHA basés eux aussi au CERN ont annoncé la première manipulation laser d’antimatière au monde, en s’appuyant sur un système laser fabriqué au Canada pour refroidir un échantillon d’antimatière jusqu’à un niveau proche du zéro absolu. Précisons qu’ALPHA (Antihydrogen Laser Physics Apparatus) est « une collaboration internationale qui travaille avec des atomes d’antihydrogène piégés, la contrepartie antimatière de l’atome le plus simple, l’hydrogène. Par des comparaisons précises de l’hydrogène et de l’antihydrogène, l’expérience espère étudier les symétries fondamentales entre la matière et l’antimatière ».

Au dire de Takamasa Momose, chercheur à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) et membre de l’équipe ALPHA-Canada qui a dirigé le développement du laser d’antimatière : « Avec cette technique, nous pouvons résoudre des mystères de longue date tels que : Comment l’antimatière réagit-elle à la gravité ? L’antimatière peut-elle nous aider à comprendre les symétries en physique ? Les réponses à ces questions peuvent fondamentalement modifier notre compréhension de notre univers ».

En France, l’Autorité de sûreté nucléaire autorisait en juin 2019 la mise en service de l’installation SPIRAL 2, au GANIL (Grand accélérateur national d’ions lourds), un centre de recherche en physique nucléaire localisé à Caen. « La mise en service de SPIRAL 2 va permettre la production de noyaux très rares, ouvrant la voie à l’étude de structures encore inconnues », explique Héloïse Goutte, directrice adjointe du GANIL. 

Après deux années de tests, les premières expériences ont été lancées tout récemment. Au fil des semaines, des équipes normandes, parisiennes, suédoises et tchèques se sont succédé sans discontinuer pour réaliser des collisions à très haute énergie. Ces collisions ont permis d’induire des réactions nucléaires qui ont donné naissance à des noyaux dits « exotiques », un qualificatif associé à des noyaux qui ne font pas partie des 291 isotopes stables que l’on trouve à l’état naturel sur Terre. À ce jour, plus d’une centaine de ces noyaux ont déjà été synthétisés et étudiés au GANIL.

Même le boson de Higgs, cette star de l’infiniment petit, a eu droit à son instant de gloire en fin d’année quand on a appris que des chercheurs du CERN se sont ingéniés à mesurer sa durée de vie. Leurs travaux a permis de déterminer que « la durée de vie du boson de Higgs est de 210 yoctosecondes, c’est-à-dire de l’ordre du septillionième de seconde (un point décimal suivi de 22 zéros) ». Rien de moins !
https://www.bnl.gov/world/
https://www.star.bnl.gov/
https://home.cern/fr
https://www.tdg.ch/
https://www.triumf.ca/
https://www.ganil-spiral2.eu/fr/
https://sciencepost.fr/


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